L'essence
" L’art de combat appelé "KENDO" (voie : do, sabre
: ken), est une forme d’escrime qui met en présence, face à face, deux pratiquants
revêtus de protections qui cherchent mutuellement à se porter des frappes, au moyen d’un
sabre de bambou -shinaï- manié à deux mains. Il est, comme le judo, né au Japon, mais n’a pas subi quant à lui de transformation sous l’influence occidentale. Dans son pays d’origine, le kendo, parmi les autres arts issus du BUDO (BU : guerrier, DO : voie) est sans nul doute celui dont l’histoire la plus ancienne est la plus intimement liée à la culture nationale. Environ 7 millions de japonais le pratiquent de façon régulière (pour environ 6000 licenciés en France). Le KENDO n’a pas sa place dans le combat de rue pour lequel seul l’efficacité immédiate compte. C’est un art martial dans le sens le plus profond du terme. Un art puisque sa pratique requiert une implication personnelle importante, un constant travail sur soi dans la recherche de la progression et fait appel à d’autres éléments que ceux purement physiques ou intellectuels d’une pratique sportive habituelle. Il est martial car les pratiquants respectent une discipline stricte dans le respect de l’étiquette et de la pratique, orientée vers l’efficacité lors de la confrontation dans un combat où la vie serait mise en jeu. |
Le matériel
L’arme utilisée pour la pratique du KENDO, appelé shinaï, est un sabre composé de quatre lames de bambou reliées entre elles par des éléments de cuir. Cette arme est suffisamment souple pour ne pas causer de dommages aux pratiquants. Ce shinaï est une réplique inoffensive du sabre "katana" utilisée jadis dans le contexte guerrier japonais. Pour un homme adulte il mesure au plus 120 cm et pèse au moins 510 g.
En ce qui concerne les katas (voir paragraphe1.3.3), les pratiquants utilisent pour
l'entraînement un sabre de bois dur. Le boken (sabre en bois) est considéré comme une
arme redoutable capable, non pas de couper, mais de briser le corps d’un adversaire.
Tous les pratiquants portent un hakama (pantalon large traditionnel) et une veste
spécifique aux manches assez courtes mais ces vêtements ne permettent pas d’amortir
les coups
Les pratiquants portent donc un ensemble de protections, répliques des principales
pièces d’une armure de samuraï :
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Seules les parties antérieures et latérales de la tête, du tronc et des cuisses sont
protégées car en kendo, il est interdit de donner un coup pendant que le partenaire
tourne le dos.
La pratique
- Les frappes
En kendo, la règle consiste à aller frapper avec la partie valable du shinaï la
partie valable d’une des protections de l’adversaire.
Les frappes fondamentales portent le même nom que les protections : |
S’ajoute à ces trois frappes de taille, un coup d’estoc TSUKI de la pointe du shinaï sur la protection de la gorge.
Chaque frappe est accompagnée d’un kiaï spécifique : expression de l'énergie
par un cri.
Avant la frappe pour concentrer l'énergie et
pendant la frappe (voir ippon)
Ippon : marquer un point
Afin qu’une frappe soit valable (ippon), la touche seule n’est pas suffisante.
Au moment de l’impact du shinaï (sabre en bambou), le combattant pousse un kiaï
(un cri) en annonçant la partie qu’il touche effectivement. Cela permet de montrer
que la coupe arrive bien à l’endroit prévu tactiquement et non par hasard. Les
kiaï sont men, kotey, do et tsuki.
En outre, trois composantes sont évaluées par les professeurs ou les arbitres :
L’appréciation de tels critères est difficile pour des débutants, voire pour des kendoka plus expérimentés. Plus les combattants sont de niveau élevé, moins l’appréciation d’un point est aisée par une personne de niveau moindre. Pour les combattants de niveau élevé, des critères comme la construction de l'attaque sont pris en compte. IL ne s'agit pas seulement de frapper, mais de créer les conditions pour que la frappe aboutisse : c'est ce que l'on appelle gagner avant d'avoir frappé.
Après quelques années d’expérience, le pratiquant se sent battu lorsqu’il reçoit une frappe valable. Il est convaincu, sans équivoque possible, d’avoir été pris en défaut dans sa pratique (heureusement, des progrès restent possibles jusqu'à un âge très avancé…).
Kata en japonais signifie "forme". Ce sont des scénarios de combats
exécutés par deux pratiquants. Au nombre de 10, ils sont l’héritage de
différentes écoles de sabre dont chaque détail a été inséré afin de permettre une
transmission de l’essentiel des techniques.
Les kendoka y travaillent attaques, contre-attaques, souffle et
mental. Les armes utilisées dans les katas sont des boken (sabre en bois) ou parfois des sabres réels. La plus grande maîtrise est alors de rigueur. |
Le paradoxe pour un occidental réside dans le fait que ces combats pré-arrangés donc dans lesquels chacun des partenaires connaît le moindre des gestes que l’autre va exécuter, deviennent, à force de travail et de répétition, de même nature qu’un combat réel. Le kata s’exécute alors comme un vrai combat dans lequel il est possible de réagir de façon adéquate quand il se produit un événement imprévu.
...la pratique...
Dans l’assaut libre (Gi Geiko), les adversaires qui se tiennent face à face, les pointes des armes croisées, vont essayer mutuellement de se porter un coup valable "Ippon" sans en recevoir. L’habileté des protagonistes se voit dans l’aisance des déplacements, le maintien d’une attitude qui allie à la fermeté une dimension esthétique, la sécheresse et la précision des coups. Avec la maîtrise, les coups sont portés avec moins d’amplitude, tout en conservant avec la puissance des hanches (hara), la précision et la sécheresse nécessaires à une coupe réelle.
En compétition, la règle habituellement appliquée est celle du combat en trois
points (San Bon Shobu = trois points combat).
Le premier des deux adversaires qui a marqué deux points emporte le combat. Trois points
sont donc marqués au maximum.
Les niveaux sont identiques à ceux du judo : de 6e à 1er kyu (ceinture blanche à ceinture marron) et de 1er DAN (ceinture noire) à 10e DAN. Rappelons que le 1er DAN correspond au premier niveau d’acquisition véritable en Kendo. La ceinture noire n’est pas une fin, c’est un début. Ce niveau représente la première maîtrise du Ki Ken Taï .
Il n’y a pas de signes extérieurs attestant du grade. C’est la pratique seule qui permet d’en rendre compte.
Afin d’obtenir un grade supérieur, les postulants doivent exécuter des enchaînements de frappes, deux combats et, en cas de réussite à ces épreuves, un certain nombre de katas. Leur prestation est évalué par un jury de hauts gradés. (Au delà du 4éme DAN deux combats et la totalité des katas sont demandés.)
Les plus hauts gradés français ont le grade de 7ème DAN. Au Japon, les
plus hauts grades n’excèdent pas le 9ème DAN. Seul un jury composé de 9ème
DAN, réuni à la demande d’un postulant pourra accorder le grade ultime.
Finalement, ça sert à quoi ?
L’apprentissage bien conçu du kendo est agréable ; les exercices simples ne demandent pas d’aptitudes spéciales. Une certaine dose de courage et de patience est nécessaire aux débutants comme aux pratiquants confirmés.
Les séquences gestuelles effectuées au cours de l’apprentissage ou du perfectionnement sont, par le rythme et le volume de travail exigés, propices pour éliminer les tensions et les blocages qui sont la rançon de certaines formes actuelles d’existence. L’habitude de se "frotter" aux autres concrètement jusqu’à un âge avancé (la pratique non traumatisante du Kendo permet une longévité sportive exceptionnelle) apparaît comme un facteur essentiel de canalisation de l’agressivité. La qualité des rapports entre individus s’en trouve améliorée. Il suffit d’assister à des championnats de Kendo pour constater qu’acteurs et spectateurs font preuve du comportement exemplaire exigé d’eux par les règlements de la compétition ; pour eux le "fair-play" est naturel.
En fait, chaque pratiquant trouve dans le kendo un intérêt qui lui est personnel. Les vertus de la pratique rigoureuse d’un art martial y sont contenues, mais plutôt que d’en faire une liste qui serait loin d’être exhaustive (contrôle de soi, …), il me semble préférable d’insister sur le fait que l’ensemble de la vie du kendoka et de sa personne sera influencé par une pratique assidue.
Par là même, une recherche plus ésotérique peut motiver la pratique. Le kendo, art martial à part entière, peut servir d’outil de développement de notre "être" fondamental pour une harmonie avec le monde, au même titre que le zen.
Ainsi la pratique du Kendo apporte sa contribution l’équilibre intérieur et à
la paix.
Pour aller plus loin
Le meilleur moyen reste encore de se rendre dans un club pour regarder ou pratiquer, l’apprentissage passe par l’expérience.
Si vous souhaitez approfondir l’histoire du kendo, les techniques, les règles détaillées, vous pouvez consulter les ouvrages suivant :
HAMOT Cl., YOSHIMURA K. " Découvrir le kendo ", budoscope n°10 Amphora, 1995
MUSASHI M "Traité des cinq roues -Gorin no sho-", Spiritualités vivantes, Albin Michel, 1983